Dans les projets de conception d’exposition, je m’efforce de considérer la scénographie comme une composante significative du message véhiculé par le projet muséographique. Nous sommes en effet passés d’une époque où le muséographe avait essentiellement un rôle d’architecte d’intérieur s’évertuant, aux côtés du commissaire d’exposition/conservateur, à faire entrer l’ensemble des objets, éléments, documents à présenter dans l’espace d’accueil de l’exposition. On sait que le rôle du commissaire a changé dans le contexte de l’art contemporain glissant selon certains du conservateur à l’auteur (Nathalie Heinich), selon d’autres du médiateur à l’artiste (et je penche plus pour cette lecture de l’histoire). Les artistes, convoqués par le commissaire, fonctionnent de plus en plus souvent comme matériau dynamique au service d’un projet global. On perçoit moins comment ce rôle a évolué dans le champ des expositions thématiques allant de l’exposition scientifique à la mise en scène du patrimoine. Je me suis ainsi trouvé au cours de ces quinze dernières années, invité en tant qu’artiste à concevoir soit des dispositifs muséographiques soit la scénographie complète d’expositions. Il me paraissait clair alors qu’il importait de dépasser le stade du fonctionnalisme et encore plus celui de l’illustration dans la construction de l’espace pour assumer totalement, comme le fait l’architecture au-delà de l’ornement, la dimension symbolique et organique du projet muséographique. Organiser des volumes et des objets dans ces volumes, bien entendu, mais aussi déterminer des circulations, des articulations, des transitions, bref moduler des comportements, faciliter des échange, créer de l’expérience. Autant de décisions prises par le scénographe qui rapprochent son métier de celui du concepteur d’univers virtuels, travaillant la situation comme sous-texte dynamique dans la production du sens. (…) La muséographie, appliquée au patrimoine pose des problèmes spécifiques. Le lieu en est souvent le sujet et le dispositif muséographique peut aller jusqu’à s’effacer comme à l’abbaye de Fontevraud où le parcours multimédia (2001) surgissait de la pierre du réfectoire comme une apparition mémorielle à la manière d’une fresque dynamique (Alain Escalle) ou des buis du cloître (Jean-Baptiste Barrière) comme si les sons en suspends nous murmurait des bribes de ce que furent ces lieux. L’immatérialité voulue de l’approche à probablement facilité sa disparition prématurée et il faudra s’interroger sur la préservation et la protection du patrimoine immatériel en tant que prolongement de l’architecture.